15 juin 2009

Cher journal, Rose relève son stylo de la page blanche dévirginisée de ces seulement quelques mots. Elle a quatorze ans, c'est complètement con d'écrire dans un journal. D'ailleurs William ne s'est pas empêché de se moquer d'elle quand sa mère le lui a offert quelques jours plus tôt parce que "ça pourrait te faire du bien d'avoir un endroit où t'exprimer ma chérie". Conseil de son psy. Aujourd'hui il a fait particulièrement chaud. Nul doute que cette anecdote sera particulièrement intéressante pour la postérité. En même temps, pour une ville aussi pluvieuse que Manchester, c'était assez peu banal pour être souligné. Sidney a été une parfaite garce aujourd'hui. Depuis que William est entré au lycée et qu'elle ne peut plus passer son temps à lui faire les yeux doux, j'ai l'impression qu'elle s'est donnée comme nouvel objectif de faire de ma vie une enfer. Autant pour le "se faire bien voir de la petite soeur ça pourrait être une bonne idée...". Non, cette fille est trop conne pour penser de cette manière. Rose s'autorise un sourire à cette réflexion. Elle m'a ouvertement traitée de salope, parce qu'on m'aurait vu embrasser Jimmy Krain derrière l'école alors qu'il sort avec Sasha Millan. C'est complètement faux, il est laid comme un poux en plus... Du coup, je lui ai cassé le nez en lui donnant un seul petit coup, cette fille est vraiment fragile en plus d'être débile. Je suis suspendue pendant une semaine. Maman a fait une scène comme si j'avais égorgé quelqu'un. Elle exagère toujours, comme cette fois où William lui a rapporté que j'avais fumé une cigarette dans ma chambre. Quel bel enfoiré celui là aussi ! L'adolescente ponctue sa phrase avec rage, toujours en colère contre son grand frère à ce propos. Du coup, quand papa est rentré du bureau, maman et lui ont commencé à parler de ma punition (j'avoue que ne pas aller à l'école pendant une semaine n'en représente pas vraiment une pour moi...). Ils veulent arrêter mes cours d'Ai Kwon Do, mais à vrai dire je m'en fiche un peu. Je commençais à m'y ennuyer... Loin des ballerines de ses camarades de classes, la brunette a pratiqué plusieurs sports de combats dès qu'elle a eu l'âge de faire entendre son opinion à ses parents,  en changeant régulièrement dû à son adresse à se lasser très rapidement. Ce ne serait donc pas une grosse perte pour elle. Et puis, rien que pour voir Sidney pleurnicher sur son nez sanguinolent, ça en valait la peine...

23 avril 2014

"Tu viens d'où comme ça ?" Rose porte une main a son coeur alors que la lumière de l'entrée l'éblouie d'un coup. "Bordel Will, tu viens vraiment de me faire le coup de l'attente dans l'obscurité après découchage ? T'es pas papa je te rappelle ! Et j'ai bientôt 20 ans, j'ai aucun compte à te rendre..." D'un mouvement de coude elle le bouscule un peu pour atteindre les escalier. A peine la première marche gravie, il la retient par le poignet. Ses yeux, si différents des siens, observent ses pupilles dilatées avant que son front ne se creuse d'une ride d'inquiétude ou de réprobation, elle ne saurait le dire. "Qu'est-ce que t'as pris ?" Elle détourne la tête pour ne plus croiser son regarde, agacée qu'il arrive à la rendre aussi honteuse qu'une petite fille. "Pourquoi ? T'es de la police ? Elle lui crache quasiment les mots à la figure avant de se faire plus moqueuse. Tu vas faire quoi ? Convoquer la cour suprême ? Le dire à maman ?" Il ne répond même pas à ses provocations renforçant l'impression de la jeune femme de se donner en spectacle comme une petite fille capricieuse. Elle en a assez qu'il essaye de la façonner à sa parfaite image ne parvenant qu'à souligner ses défauts. Rose ne s'auto-diagnostique aucune névrose particulière, ni éminemment narcissique ou disposée aux obsessions. Comme tout le commun des mortels, elle a pourtant quelques mauvaises manies, comme celle de se ronger les ongles quand elle ne peut pas mettre la main sur un paquet de cigarettes pour calmer ses angoisses éphémères. Il lui arrive de jouer de sa stature de petit bout de femme pour tromper ses interlocuteurs même si sa fâcheuse tendance à agir avant de réfléchir n'en fait pas en vérité une très bonne manipulatrice. Son flegme apparent frise parfois une agaçante mollesse pour son entourage. Elle a toujours eu tendance à se laisser vivre sans se soucier des conséquences même lorsque celles-ci ne touchent pas qu'elle. "Tu étais avec lui ?" Cette fois, Rose peut clairement identifier la colère dans la grimace de son frère. Elle ne prend pas la peine de faire semblant d'ignorer de qui il parle, déjà fatiguée par cette échange additionné aux excès de la nuit. Le nom flotte sur les lèvres de son aîné, mais il répugne à le prononcer. Le nom honnis d'un homme qui salit sa soeur entre ses draps après avoir cerner son regard de fête et de panacée. "Non. Aiden et moi c'est terminé." Elle profite du soulagement qui détend le corps de son frère pour s'enfuir à l'étage sans un mot de plus. Elle ne précise pas que le dit Aiden a tenté de lever la main sur elle, les marques qu'elle a laissées sur son corps suffisent pour que William n'ait pas à rajouter les siennes. Elle sait se débrouiller toute seule.

2 octobre 2016

Sa gorge la brûle alors que Rose soulève une à une ses paupières lourdes. La blancheur de la literie et la lumière aveuglante ne laisse que peu de doutes sur l'endroit où elle se trouve. La main de son frère, qui serre la sienne l'air légèrement hagard et sa mère, les joues striées de larmes séchées, assise dans un coin de la pièce, achèvent de la convaincre. Elle tousse légèrement, l'action lui arrachant la gorge et attirant leur attention. Sa mère accoure pour la serrer contre son coeur en déversant un nouveau flot de sanglots. Rose le sait, ils sont plus pour elle-même que pour sa fille qui vient involontairement de flirter avec la mort à coup de whisky et d'ecstasy. Son regard croise celui de William lorsqu'il dénoue ses doigts des siens et ce qu'elle il lit avant qu'il ne quitte la pièce lui fait mal. Ses larmes se mêlent pour la première fois depuis longtemps à celle de sa mère quand elle se rend compte qu'elle est responsable des blessures qu'elle vient de lire dans les yeux de son frère.

10 mai 2017

Une voix métallique raisonne dans l'aéroport pour annoncer le départ imminent de son vol, annonçant le temps des aurevoirs. "Tu es sûre que c'est ce que tu veux ? , lui demande pour ce qui doit être la millième fois William, le seul ayant pu l'accompagner jusqu'à Heathrow." Et pour la millième fois elle hoche la tête en réponse, oui c'est ce qu'elle veut. "Et... " Elle le coupe avant qu'il ne puisse finir sa phrase, sachant très bien ce qui vient après. "Les médecins ont dit que ça me ferait du bien de changer d'air Will, ils pensent que je suis prête." Il fronce le nez dans un geste qu'elle sait que les femmes lui trouvent adorable, guère convaincu par son mensonge. Si elle a retenu de son overdose, elle ne peut pas être la sobre sainte que sa famille et les médecins qui l'ont suivi depuis "l'accident", comme elle aime l'appeler, voudraient qu'elle soit. Elle sait aussi que William n'apprécie pas vraiment qu'elle aille travailler au bar d'un club et qu'elle abandonne complètement ses études tout comme il sait à quel point elle est bornée et qu'il ne pourra rien faire pour qu'elle change d'avis. "N'oublie pas de m'envoyer ton contrat !" La brunette lève les yeux au ciel alors que le futur avocat spécialisé en droit du travail parle un instant à la place de son frère. Le moment ne dure pas cependant, et il finit par la prendre dans ses bras pour une dernière étreinte. "Je viendrais bientôt te voir..." Et Rose ne sait pas trop s'il s'agit d'une promesse ou d'un avertissement. "Je t'aime Rosie." Elle le sert plus fort avant de s'éloigner, bien incapable de répondre autrement à ces mots qu'elle n'avait jamais entendu sortir de sa bouche auparavant.

30 juin 2018

Le Blue Night est plutôt calme ce soir là, même pour un mercredi et Rose en profite pour discuter joyeusement avec ses collègues du bar. Elle se sent bien ici et n'a pas tardé à nouer des relations, malgré son caractère parfois compliqué à suivre. Loin de la délicatesse florale de son prénom, elle n'est pas du genre à mesurer ses paroles ni à faire d'effort pour se montrer charmante, les conventions lui passent souvent bien au dessus de la tête. Mais c'est aussi quelqu'un d'à l'écoute, sans doute en partie à cause de sa profession de barmaid. Elle a la conversation arrangeante, préférant éviter les confrontations autant que possible, ce qui en fait quelqu'un d'aisément abordable. Elle n'est pas prompte à juger autrui tant que la réciproque se vérifie, persuadée que les différences sont autant d'enrichissements. L'injustice lui hérisse d'ailleurs autant les poils que les araignées.

"La demoiselle n'a pas l'air intéressée alors fou le camp Ethan." Le client, un habitué, abandonne son petit numéro de charme qui ne parait pas du goût de son interlocutrice pour se tourner vers elle. "Qu'est-ce qu'il y a D. tu es jalouse ? Tu sais que tu auras toujours une place sous mes draps..." Elle rit un instant de sa lourdeur avant de lever les yeux au ciel. "Tu n'es pas prêt pour ça, se moque t-elle avant de réitérer l'ordre émis quelques secondes auparavant, maintenant dégage avant que je n'appelle ta fiancée pour qu'elle vienne elle même te chercher." Sous la menace, il déguerpit en grommelant des insanités sur la barmaid ce qui l'amuse plus qu'autre chose. La jeune britannique étudie du regard la fille qu'elle vient de dépêtrer d'une désagréable situation et qui la remercie à présent chaleureusement. Une jolie rouquine aux ongles parfaitement manucurés, tirée à quatre épingle jusqu'en boite de nuit. Une belle petite princesse à la vie de rêve sans doute, mais aussi très creuse selon ses conclusions. La brunette attrape deux trois bouteilles pour faire opérer sa magie avant de tendre à la jeune femme le cosmopolitain qui en résulte. "C'est moi qui offre." Elle ponctue sa phrase d'un clin d'oeil avant de laisser ses yeux courir sur les courbes de la jeune femme alors que celle-ci sirote le liquide rosé.

Son corps moite retombe lourdement sur les draps alors qu'elle tente de retrouver une respiration normale. D'une main elle tâtonne sur la table de nuit à sa gauche jusqu'à y trouver son paquet de cigarette. Elle embrasse l'épaule de son amante avant de coincer le bâton blanc entre ses lèvres, s'adossant à la tête de lit. Elle craque une allumette, observant un instant la flamme danser devant ses yeux avant d’allumer sa clope. A la première bouffée libératrice, elle s'adresse à sa voisine d'un ton égal. "Tu pourras penser à claquer la porte en sortant s'il te plait ?" Le corps de la rouquine se fige alors que Rose voit un air de dégoût de dessiner sur les lèvres qui, quelques minutes en arrière, criaient son nom. D'ailleurs elle a déjà oublié le sien, incertaine même de l'avoir à un moment retenu. La brunette s'empêche d'avoir l'air amusé quand la demoiselle dandine son corps nu avec indignation en cherchant ses vêtements dans la pièce. "Je pensais que les gens dans cette ville étaient différents, mais tu es pire qu'un mec !" Cette fois-ci, Rose éclate franchement de rire avant de tirer une nouvelle taffe. "Oh tu veux dire à cause de ça ? D'un geste elle lève le poignet qui tient sa cigarette mettant en évidence le symbole d'infinité qui tranche par sa noirceur sur sa peau blanche. Tu vois pas d'initiales darling, son accent se fait plus fort alors qu'elle se fait plus moqueuse, du coup le destin ne t'empêche pas de rentrer chez toi... Mais au plaisir, si l'envie te prends te recommencer, tu sais où me trouver.." Elle ignore les tempêtements de sa partenaire d'une nuit jusqu'à ce que celle-ci ne quitte l'appartement, sans claquer la porte bien entendu... Tellement bruyante jusqu'au bout... Rose soupire en dessinant machinalement du bout des doigts les contours d'encres tatoués sur son poignet. De toute façon, elle était convaincue que même si un jour des initiales venaient remplacer le huit couché, ça ne changerait pas son train de vie ou sa manière de penser. Un mensonge de plus.

Qu'est ce que j'ai aimé ta fiche. J'adore totalement le fait qu'elle soit rebelle si on peut dire, ça change surtout avec Adélaïde. La relation avec son frère est pas mal également. Garde moi un lien bien au chaud et en attendant je file te valider.